La chambre 10

Attis se réveilla en sursaut, sortant d’un rêve bizarre. Des coups feutrés, donnés sur la porte de bois, résonnaient encore dans sa tête, lorsqu’il réalisa réellement ce qui se passait. Quelqu’un semblait vouloir lui parler, ce n’était pas un rêve.

« Oui, oui, pas la peine de frapper, je suis là! Ouvrez la porte, le verrou n’est pas tiré. »

Attis vit entrer la jeune infirmière et elle lui semblait mal à l’aise.

« Que le jour soit beau et bon pour vous aussi! Comme vous pourrez le constater, à la douleur que je sens à cet endroit, je crois qu’elle ne se porte guère mieux! Bon… mais que vaille le doux temps, j’en profiterai pour me reposer… Que puis-je faire d’autre? »

Dans son for intérieur, le saltimbanque espérait bien que l’on s’occupe de lui… Puis, la regardant presque ébahie par son discours, il lui lança d’un ton qu’il voulait jovial :

« Mais allons… ne rester point dans l’entrebâillure de cette porte de bois. Venez, n’ayez aucune crainte, car je ne vous battrai point. De toute manière, même si cela fut mon intention, je ne puis m’y résoudre avec cette cheville qui gonfle à vue d’œil… »

En attendant qu’elle s’approche, il tripotait sa cheville en grimaçant de plus belle.

( Salut... fini les vachances... )

La regardant ébahi par son air de n’y pas faire attention et sa voix pleine de l’autorité médicinale, je rejette son diagnostic d’un revers de la main et lui lance au visage :

« Bah! fîchtre de remède. Et il est certain que ma cheville est pire que pire. Et faites-moi monter votre patronne. Car sachez que de sa baignoire sur pieds mal ferrés, je me suis esquinté. Et que je demande réparation. Je perds ainsi un temps précieux. Sachez que je n’ai pas qu’à attendre ici à compter les mouches et les toiles d'araignées au plafond. »

Puis comme pour attendre sa réaction, je tends mon bras vers la table de chevet, espérant ainsi attirer son attention, tout en parlant tout haut, comme pour moi-même :

« Hummmmmmmmm… pas plus de 10 doses dans la même journée… »

( Scuse le temps d'attente... Ray... )

« Il n’est point question pour moi de ne pas prendre le remède, car voyez-vous, la douleur que je ressens devient de plus en plus aiguë. Simplement, j’essayais de vous partager du mieux qu’il m’est possible, le trouble dans lequel je me trouve embourbé. Je tiens, tout naturellement à guérir le plus vite, car je n’aime pas rester ainsi dans le vague et l’inactivité. Vous comprenez ce que je veux dire? »

Sans tarder, je fis des efforts accrus pour me lever malgré l’enflure et la douleur que me causait ma cheville, tout en feignant encore une fois de vouloir attraper la fiole de remède dans les mains de la jeune femme, pour finalement m’étaler dans un long soupir, de tout mon long sur le bord de mon plumard.

Regardant dans le vague, je lui demandai :

« Pourriez-vous avoir l’amabilité et la gentillesse de me donner un peu d’eau, ainsi que la fiole de médicament que vous tenez si précieusement dans votre main affable? »

Attis empoignât fermement la fiole d’une main forte et assurée, car il avait peur de la laisser tomber au sol, tellement il se sentait faible. Il en aurait certainement besoin, un jour ou l’autre, au cas ou!

Puis, tout en écoutant d’une oreille distraite ce que l’infirmière lui raconta, il glissa rapidement :

« Oui, oui, ça va! Je vous suis très bien, merci! Et si j’ai compris votre point de vue, je n’ai qu’à me prélasser dans mon douillet plumard, tout en espérant que quelqu’un vienne me rendre visite, afin de me tenir compagnie et me faire la conversation! »

Alors, détournant et promenant mes yeux aux quatre coins de la petite chambre, je me concentrai sur la fiole. J’en ouvris le bouchon et pris une bonne gorgée. Quelle odeur désagréable et surtout quel goût amer et exécrable! Je faillis cracher le tout! Mais si ce n’eut été de la jeune femme encore assise à mon chevet, je crois que j’aurai vomi!

M’essuyant la bouche du revers de la manche de ma chemise, je conclus :

« Alors chère soignante, qu’attendez-vous pour aller me quérir de l’aide afin de me distraire? Ouste! Partez donc maintenant et ne revenez me voir, que votre tâche accomplie. Et surtout, ne me prenez pas trop au sérieux! Je suis un rustre voulant faire bonne figure et qui essaye tant bien que mal, d’avoir de bonnes manières. Avant que vous partiez, sachez que j’apprécie grandement tout votre aide, votre compréhension, ainsi que votre empressement à vouloir ma guérison rapide. »

Le soupir prolongé de la jeune femme si avenante, le troubla un peu. * Suis-je si exigeant et empêcheur de tourner en rond? Je ne veux que ma cheville guérisse, afin de vaquer à d’autres occupations, que de rester allongé sur un plumard crasseux, en attente de qui de quoi, je ne sais pas! Quelle sottise que ces femmes qui se prennent pour des mères soignantes! *

La regardant ramasser ses instruments et les ranger dans sa petite mallette, il s’éclate de rire, d’un rire enfantin en lui disant :

« Ne vous en faites pas mam’zelle! Vous accomplissez votre travail à la perfection. Je suis un peu grincheux à cause de mon état et m’en excuse encore. »

Lorsque Aeslyn referma la porte, le jeune barde soupira profondément… il s’ennuyait et trouvait le temps long. Que pouvait-il donc faire pour tromper son ennui? Rien, sinon attendre! Attendre patiemment que les heures s’écoulent. Quelles marquent de leurs aiguilles monotones les chiffres immobiles de l’aurore au crépuscule !

N’en pouvant plus d’attendre que l’on vienne lui porter son plateau et ressentant le besoin d’un peu de compagnie, le jeune barde se hasarda à se lever afin de se rendre dans le corridor. Après maints efforts, suintant presque, il réussit à ouvrir la porte de sa chambre et tenant fortement la poignée de sa main droite, il s’adossa au cadrage de la porte de son côté gauche.

De sa voix forte il s’écria :

« On me l’apporte ce plateau ou je dois descendre le chercher moi-même? »

Sibel arriva dans le couloir menant aux chambres, et elle apercu Attis qui se tenait dans le cadrage de la porte. Elle ne l'avait pas entendu crier, elle se demandait ce qu'il fesait la.

- Ne devriez vous pas rester au lit avec votre blessure?

Comme toujours, Sibel était souriante malgré le tempérament un peu hautain d'Attis.

- Ne voyez vous pas que ca ne sert a rien de crier, je n'ai rien entendu de la salle a manger, mais lorsque Aeslyn est descendue elle m'as demandé gentiment de vous apporter a manger, ce que j'ai fait sans attendre. Allez vous installer dans votre lit, je vais vous donner votre plateau.

La pauvre Sibel ne savait pas quoi répondre a un tel compliment de la part d'Attis. Elle savait qu'elle fesait bien son travail, mais elle n'avait rien d'un ange, tout cela fesant parti de son travail. Et après tout, pas même Amélia ne savait ce qu'était réelement Sibel, et elle-même n'en avait pas encore découvert tout le potentiel, vu son jeune age.

Elle se contenta de sourire et de déposer le plateau sur les jambes d'Attis pour qu'il puisse manger.

- Préférez-vous rester seul pour manger ou si vous voulez que je vous tienne compagnie?

Sibel prit place a coté du lit d'Attis.

- Vous n'avez pas a vous inquiètez que je vous vole votre repas, j'ai déja eu le mien et je doute guère que mon estomac puisse contenir davantage. Après tout je suis une femme, je n'ai pas besoin de manger autant qu'un homme pour satisfaire mon appetit.

Sibel reprit le plateau et se dirigea vers la sortie, s'arrêtant devant la porte et se retourna la tête pour parler a Attis avant de sortir.

- Je descends porter tout ca aux cuisines pour que ca soit lavé, et ensuite j'irai voir la soigneuse, pour voir s'il n'y aurait pas un moyen pour vous de passer la journée ailleurs que dans ce lit, tant que votre cheville ne bouge pas je crois que ca devrait aller, et au moins il y aurait du monde autour de vous.

Sibel attendit une réponse d'Attis avant de partir.